Emmanuel GARNIER - Soldat de la Grande Guerre - Héros de la Résistance

Thierry Emmanuel Garnier

prix // 30 €


Emmanuel Garnier (1894-1944)

 

 À partir de nombreux documents d’archives, dont les plus importants sont reproduits dans ce livre, l’auteur retrace à travers cette biographie la fantastique saga d’une lignée de marins établie durant deux siècles dans le quartier du « Passage » aux Sables d’Olonne… Mais qui était à l’origine de cette dynastie ce simple laboureur installé dans sa campagne du Poitou en 1750 et, plus éloigné encore, au Moyen Âge, son ancêtre installé dans les mêmes lieux, au XIIIe siècle, entre collines verdoyantes et ruisseaux encaissés ? Pour quelles obscures raisons ces nobles aventuriers, évanouis dans les coulisses de l’Histoire, se sont-ils rapprochés du littoral des côtes vendéennes pour venir y fonder une lignée héroïque de marins pêcheurs, trempée de feu et d’acier, et de pilotes des ports non moins aguerris qui navigueront plus tard sur toutes les mers du globe ? Qui donc était ce héros de la Résistance mort pour faits de guerre, en 1944, dans le terrible « train de la mort » en partance pour le camp de concentration nazi de Dachau ? Un homme ayant pour nom « Emmanuel Garnier », un syndicaliste hors norme, ami de Georges Clemenceau et fervent fidèle de Jean Jaurès ? Qualifié de « soldat de la Grande Guerre » par Georges Clemenceau et de  « héros national » par Jacky Messiaen, son premier biographe, cet ouvrage d’aventures au goût de sel marin retrace avec soin toutes les péripéties d’Emmanuel Garnier durant la première moitié du XXe siècle. Un livre fort et puissant qui s’inscrit dans la tradition du vivant et qui met sous le feu des torches du passé d’authentiques héros anonymes. Des pages aussi qui se lisent d’une traite et qui vous tiendront en haleine beaucoup mieux qu’un simple polar… 

 

 

 

 

IMAGES - 120 photos et documents d'archives  // Extraits du cahier iconogaphique.

 

 

Emmanuel Garnier (au centre), durant la guerre de 1914-1918.

 

 

Emmanuel Garnier en 1939.

 

 

 

 

 

 

                Le "Pilote Garnier" en 1960.          

 

           

 

COMMANDE - Prix 30 € - franco de port    >                                        

 

 

 

 

 

 

 

 


408 pages


ISBN 2-7551-0073-7


Voir aussi //

 

Préface de ROLAND MORNET

 

SOMMAIRE du LIVRE

 

Emmanuel GARNIER - Héros de la Résistance



(extrait)


Frontstalag 122 – 2 juillet 1944.

 

« Nous étions partis dans la Résistance en sachant que peut-être nous allions mourir, mais le plus atroce était de mourir asphyxiés, impuissants devant une mise à mort que nous aurions acceptée plus volontiers si elle avait été plus brutale, plus violente, plus héroïque. »

 

Le Train de la Mort -Témoignage recueilli par Christian Bernadac.

 

 

Après la prison de Fresnes, Emmanuel Garnier est donc envoyé à Compiègne, au Frontstalag 122, qui est un campement de transit administré par les nazis jusqu’en août 1944. C’est avec un immense dégoût ajouté à une fatigue incommensurable due aux tortures répétées que le pauvre Emmanuel Garnier, couturé de bosses et de plaies, découvre maintenant cet immense casernement, ce camp de prisonniers où plus de 50 000 résistants avant lui sont déjà passés… Emmanuel Garnier y séjournera du 16 juin 1944 au 2 juillet 1944.

 

Ce même 2 juillet, un dimanche, sur le quai de la gare de Compiègne, une troupe de prisonniers hagards, en longue file, immobilisés deux par deux, s’observent et s’inquiètent. Il est 6 heures 30 du matin, 2 162 prisonniers viennent de quitter le campement sous bonne escorte. Certains sifflent en sourdine « la Madelon »... Un train entré en gare va maintenant acheminer le plus important nombre de détenus jamais vu sur le site français, vers Dachau en Allemagne, un camp de concentration  mis en place par le régime nazi en 1933. Ironie du désespoir, le mois dernier, le 6 juin 1944, l'opération Overlord était lancée par les Alliés, pour envahir la Normandie et créer une tête de pont inviolable en Europe. 156 000 soldats anglo-américains, et d’autres nationalités, débarquaient sur les plages de France, pour venir combattre sur l’ancien continent et abattre dans les dernières batailles sanglantes l’aigle nazi. Sur le quai avec ses camarades, un homme, un pêcheur, Emmanuel Garnier, a la satisfaction modeste d’avoir contribué, à sa manière, pour les raisons que l’on sait, à son niveau, à la longue chaine de transmission insoumise qui a permis ce formidable débarquement de forces alliées. Le pilote des pertuis, le patriote, le résistant, le Président du syndicat des marins pêcheurs des Sables, l’a maintenant compris, sur quatre longues années d’occupation, il ne lui aurait resté entre la date de son arrestation et la Libération seulement deux petits mois à patienter pour revoir sa famille,  son cher port des Sables d’Olonne, sa plage, son remblai, sa mer bleue et ses vagues scintillantes, ses odeurs de poisson à la Criée, ses marins surtout, ses camarades et ses frères de combat, totalement débarrassés de l’envahisseur fasciste.

 

Les détenus loqueteux, démoralisés, patientent maintenant sur le quai et, quand ils le peuvent, en toute discrétion s’interrogent fébrilement. - Où allons-nous ? - Vers quelle destination ? - La Résistance aura-t-elle le temps d’intervenir ? - De faire dérailler le convoi avant l’Allemagne ? La tension est palpable et le désespoir laisse place surtout à la résignation. Au passage des prisonniers, un petit bouquet de fleurs fraîchement cueilli, jeté de la fenêtre d’une façade, atterri au sein de la colonne de détenus. Au loin, derrière les grilles, quelques français téméraires jettent un « - courage les gars ! » et de rares membres de familles isolés recherchent du regard un parent, un conjoint un frère ou un ami. Le regard fatigué d’Emmanuel Garnier est tout à coup attiré, comme aimanté, par un numéro peint en blanc sur la locomotive en tête du convoi. Le 7 909… C’est le nom du train.

 

« 909 », un chiffre qui le suit et le poursuit comme son ombre. En 1919, le Jean Jaurès n’avait-il pas comme immatriculation : « LS 909 » ?

 

L’esprit de Manuel vagabonde, flotte et divague, tout le raccroche maintenant à sa Vendée natale. Le moindre intersigne du destin. Dans le fracas des sirènes hurlantes, des sifflements rauques, des aboiements de chiens de garde, des admonestations cruelles, les hommes résignés s’accrochent comme ils le peuvent, chacun à sa manière, à une dernière lueur d’espoir. Mais le convoi partira, dans le fracas des portes coulissantes des bétaillères. En wagons plombés. C’est-à-dire que chaque wagon est frappé d’un plomb par un employé de la SNCF française. Les recherches de Serge Klarsfeld signaleront plus tard que : « Le IIIe Reich paye la SNCF pour les Juifs déportés et l’État français paye la SNCF et les gendarmes qui surveillent les Juifs. Une circulaire du directeur de la police municipale, le 15 septembre 1942, nous apprend enfin que c’est en dernière minute la SNCF qui ferme et plombe les wagons de déportés : Le Commissaire divisionnaire s’assurera que les wagons auront été fermés et plombés par la SNCF… » Le convoi, le 7 909 partira  malgré tout, malgré le débarquement. Malgré la Résistance.

 

 

 

 

 

 

 

« Le train de la mort » - Compiègne, 2 juillet 1944.

 

 

En bordure du quai quelques chuchotis sont échangés, Emmanuel Garnier croise un ami fidèle, un mareyeur de Niort, un résistant comme lui, qu’il connaît bien ; puis est approché en catimini par deux anciens camarades en partance, eux aussi. Des connaissances sablaises, des hommes de confiance, des vrais résistants : le préfet de Vendée Stéphane Moreau et le juge d’instruction René Lemoine qui connaissent bien Garnier pour l’avoir régulièrement côtoyé ces dernières années dans le cadre de leurs missions occultes. Ils ont pour l’heure du mal à reconnaître le marin pêcheur sablais, le visage tuméfié, déformé, la santé fortement dégradée à cause des multiples tortures subies aux prisons de Poitiers et de Fresnes, de sinistres mémoires. Ils invitent tous deux Emmanuel Garnier à venir les rejoindre dans leur wagon. Une fois de plus, et pour la troisième fois - ce sera la dernière - le destin qui a la possibilité à nouveau de sauver Emmanuel Garnier, après les deux propositions faites par les bureaux de Londres de le rapatrier en Westland Lysander, se manifeste. Les deux hommes Moreau et Lemoine feront, eux, partie des 1 629 survivants qui seront enregistrés au camp de Dachau les 5 et 6 juillet 1944. Ils témoigneront en 1945, auprès de Louise Garnier, veuve d’Emmanuel Garnier, des dernières heures de celui-ci, juste avant leur embarquement de Compiègne.

 

Pour l’heure, sur le quai de la gare, Emmanuel a lui décidé de se rebeller et dès qu’il le pourra de s’évader… Il se rapproche d’un petit groupe de jeunes officiers mariniers qu’il connait bien et qui ont eux aussi des projets d’évasion. C’est le moment où jamais de faire des plans, de voir quelles possibilités s’offrent à eux pour se faire la belle, en groupe la chose est plus aisée... Chaque idée est proposée en catimini, on s’organise vite et bien, le temps presse…, et les opportunités risquent de manquer quand les détenus seront à bord du convoi…, sait-on jamais ? Alors les plans s’échafaudent avec rapidité. Dans ces heures-là, la Providence peut encore sourire à certains, pourquoi pas… Mais le petit groupe en plein conciliabule est rapidement repéré par les nazis et ils seront enfermés - à part - dans un wagon plus surveillé que les autres, le wagon numéro un, sans doute un wagon frigorifique, le seul wagon du convoi entièrement métallique, sans aucune possibilité d’évasion. Ils seront cent, dans ce wagon-là. À 9 heures 15, sous un soleil de plomb qui s’annonce de mort, le train numéro 7 909 quitte à très faible allure la gare de Compiègne en direction de l’Allemagne. Il y a là trente-sept wagons de marchandises. Dans vingt-cinq d’entre eux, les SS ont entassé quasiment une centaine d’hommes par wagon ! À l’origine ces wagons étaient prévus pour une capacité de huit chevaux ou, en temps de guerre, pour acheminer quarante soldats.

 

À 10 heures 05, le train passe à Soissons, à 11 heures 05 la Résistance française s’emploie, un premier sabotage de la voie sans conséquence l’amène à stopper à quelques kilomètres de Reims, puis repart sous un soleil fatidique à 14 heures 20. À  14 heures 35, le train entre en gare de Reims, les nazis comptabilisent les premiers décès de détenus, morts littéralement asphyxiés par la chaleur suffocante et le manque d’eau. À 15 heures 10, le train repart mais il est rapidement arrêté par un nouveau sabotage de la résistance. De ce fait, en absence de la locomotive qui gît sur la voie, le train rebrousse chemin vers Reims grâce à une locomotive de remplacement. Le convoi empli de cadavres qui jonchent le sol des bétaillères restera-là, stationné en plein soleil jusqu’à 20 heures. Fernande Pierre interrogée à la Libération, en février 1945, déclarera : « J’ai porté secours à de nombreux trains de déportés. Je n’en ai vu aucun qui ait été un tel spectacle d’épouvante et d’horreur. Morts, mourants, et fous y étaient entassés... ».

 

Les détenus, à bout de souffle, obtiennent des SS que l’on entrouvre, à peine, de quelques centimètres, les portes pour respirer un peu. S’ensuivra encore deux longues épouvantables journées. Trajet au cours duquel les prisonniers devenus incontrôlables, mêlés parmi les cadavres en décomposition, agonisent peu à peu. Lorsqu’ils ne se battent pas entre eux, les prisonniers s’étranglent mutuellement pour abréger leurs souffrances. Le train maudit arrivera le mercredi 5 juillet, à 15 heures, en gare de Dachau. « - Raus ! - Schnell !... ». Les cadavres empilés les uns sur les autres, parfois jusqu’à mi-hauteur des wagons, sont sortis sans ménagement puis transportés directement vers les fours crématoires pour être brulés sans être seulement enregistrés.

 

« Ils nous ont enfermés là-dedans pour nous faire crever. Ils vont nous balader jusqu'à ce qu'on y passe tous. À Compiègne ils nous ont mis cent par wagon. Ici nous ne sommes que trois rescapés et dans les autres wagons ils sont peut être tous cuits. Ils l'ont fait exprès. Ils ont voulu qu'on se bagarre. Ils ont voulu qu'on manque d'air. Moi, je dis : ce train, c'est le train de la mort. Pas un de nous n'en échappera. Vous entendez : le train de la mort... ».

 

Ces paroles prononcées à l’agonie sont celles d’un compagnon d’infortune d’André Gonzalès, resté anonyme, elles ont été consignées après la guerre, grâce au témoignage de celui-ci, qui sera le seul rescapé du wagon numéro un. Emmanuel Garnier partageait ce wagon plombé avec ses amis et est mort justement au côté d’André Gonzalès. Autant dire que ces paroles-là auraient pu être les dernières paroles d’Emmanuel Garnier. Sans doute furent-elles ses dernières pensées.

 

 

La barbarie à visage humain.

 

 

L’historien Christian Bernadac dans un livre poignant, « Le train de la mort » (1), a enquêté auprès des survivants de ce train, il a comptabilisé les rescapés, et a répertorié la liste des disparus, il s’est interrogé aussi sur les responsables de ces forfaits barbares et a dressé une histoire parfaitement reconstituée, heure par heure, de ces quatre jours de juillet 1944, journées absolument innommables. Il s’agissait pour les allemands d’empêcher à tout prix, juste après le débarquement allié, que les prisonniers  français ne viennent grossir inconsidérément les effectifs de la Résistance. Il était donc urgent, malgré le débarquement de juin 44, de continuer ces voyages hallucinants de cruauté vers les camps de concentration nazis. C’est ainsi que 536 cadavres seront tirés du dernier convoi de déportés parti de France vers les camps de concentration, la température extérieure, en plein été, était de 34 degrés - ce qui laisse imaginer ce que pouvait être la température intérieure, dans ces wagons à bestiaux en lattes de bois et métal, presque hermétiquement clos, ou quasiment cent hommes pouvaient à peine se mouvoir, durant le trajet de Compiègne à Dachau, dans une odeur pestilentielle. Quatre jours sans boire - excepté, pour certains, leur propre urine - sans aucune commodité, dans un air vicié, où un gaz carbonique mortifère stagne dans la partie basse du wagon. De temps en temps les SS scrutent les bras décharnés des prisonniers qui sortent péniblement de quelques anfractuosités, entre les lattes de bois des wagons, les soldats SS tirent alors à la mitraillette sur les bras des détenus pour faire entrer aussitôt les membres décharnés. La folie collective a gagné le train de la mort, les derniers arrivés à Dachau, n’ont d’humains que le nom…

 

Mais leurs bourreaux le sont-ils seulement ? 


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