BUGARACH – La Montagne magique

Jean-Louis Socquet-Juglard

prix // 10 €


Depuis plus de 25 ans Jean-Louis Socquet-Juglard traque avec ses objectifs les plus beaux sites du Razès… Après « Ombres et Lumières sur Rennes-le-Château », publié en 2011 en collaboration avec Jean-Pierre Monteils, Jean-Louis Socquet-Juglard, celui que l’on surnomme le « photographe de l’Aude » nous propose cette année, en une dizaine de photographies choisies parmi des centaines, des vues absolument exceptionnelles de la fabuleuse montagne sacrée des Corbières – Montagne qui verra en décembre 2012 ses heures de gloire...

 

Ces photographies prises de jour comme de nuit, et en toutes saisons depuis tant d’années, sont autant de vues grandioses et absolument surprenantes du Pech de Bugarach - Une montagne magique qui ne peut laisser indifférent et que Jean-Louis Socquet-Juglard rend encore plus aimante grâce à son habileté à dévoiler toutes les inclinations que prend le Bugarach au gré des inquiétudes du temps.

 

Le texte d’introduction de Thierry E Garnier sur la plus belle et la si énigmatique montagne de l’Aude compose pour l’occasion un conte moderne sur le thème de la révélation, de la quête du sacré et du sentier de la Tradition. Une parole d’ouverture en hommage à la Nature, à la Terre Mère et bien évidemment au talent incontestable du photographe Jean-Louis Socquet-Juglard.

 

Un livre « collector », publié chez Arqa, pour tous les amoureux de la photographie mais aussi de cette région mythique et du Bugarach en particulier…

 

 

 

 


20 pages


ISBN 2755100605


Voir aussi //

Article

 

« Bugarach 2012 » – Préhistoire d’un mythe moderne



(extrait)


 

LES PLUS BELLES PHOTOS DU BUGARACH

« La survivance la plus ancienne et la plus curieuse des vues théocratiques est celle que nous offre le Temple-montagne. » (Pierre Gordon)

 

Qui n’a jamais vu passer au sommet du Pech de Bugarach la ligne rouge sacramentelle qui partage en deux parties égales le mystère du monde pour ainsi retenir vaillamment entre les interstices du temps les armées anciennes des élémentaux de pierre, authentiques guerriers morts, aux cuirasses ravagées par les combats contre le vent, ensanglantés par les orages tourmentés des Corbières, n’a pas connu la montagne

 

 

 

 

 

Qui n’a pas vu le crêt de la Perdrix, dans les brumes du Pilat, s’estomper sans voix dans la blancheur de l’hiver comme un haïku en équilibre sur le toit du monde, n’a pas connu la montagne. À Lure qui veut dire lumière, qui n’a pas vu les fermes templières s’assombrir aux soleils couchants et les flancs ravinés de la Sainte-Victoire, là où le paysan fourbu de mistral attache pourtant, sans encombre, le soc des charrues aux étoiles pour que le vin soit plus doux et les femmes rebelles, n’a pas connu la montagne. Qui n’a pas vu les collines empierrées du pays de Giono, « Pierre écrite », et Théopolis la cité de Dieu en Provence, la bibliothèque minérale et les pages enluminées qui s’offrent toutes aux regards des plus clairvoyants, n’a pas connu la montagne. Qui n’a jamais vu se lever pour la première fois, au petit matin rougeâtre, le soleil vainqueur, au solstice d’été percer en une seule flèche incandescente les meurtrières souillées du sang des martyrs du château de Montségur - n’a pas connu la montagne. Qui n’a pas rompu le pain et bu le vin avec les frères aînés réunis sous la montagne, enchaînés autour d’une table de fortune dans un abri-sous-roche où coule le Verdon, n’a pas connu la montagne. Qui n’a jamais vu passer au sommet du Pech de Bugarach la ligne rouge sacramentelle qui partage en deux parties égales le mystère du monde pour ainsi retenir vaillamment entre les interstices du temps les armées anciennes des élémentaux de pierres, authentiques guerriers morts, aux cuirasses ravagées par les combats contre le vent, ensanglantés par les orages tourmentés des Corbières, n’a pas connu la montagne.

 

Une lampe éternelle éclaire les parois du mystère.

 

Dans la caverne oubliée repose Highlander. Des marches de pierres creusées à même la roche par d’habiles cabires conduisent jusqu’à lui. À mi-chemin, des volutes d’encens de Jérusalem, le sentier bifurque sur la droite et rejoint l’empyrée, à gauche le Tartare, au centre de la Terre. Pour tout dire, avant la fin, le mythe de la montagne sacrée n’est pas un mythe savant pour thuriféraires angoissés par des peurs infantiles face aux arcanes millénaires déployés à la une de la presse mondialisée. L’histoire de la montagne sacrée n’est pas une conférence puritaine capable d’aseptiser un mythe moderne en convenances poudrées. Sur la montagne sacrée, le randonneur de l’absolu ne découvrira pas un parcours balisé de signes multicolores, car le sentier que nous évoquons est étroit, aveugle et fort pentu. Il est indéfectiblement celui qui te mènera, si tu crois en la nature de l’homme, au sommet de ta propre gloire. Le chemin qui monte ainsi patiemment au Pech, là où fleurit la rose au cœur du labyrinthe est enchevêtré de ronces sauvages qui étreignent sans cesse, inexorablement, le pas de ton corps comme pour mieux obscurcir encore la marche de ton âme. L’allégorie de la montagne du ciel croit surtout en son histoire et s’incarne à l’infini de ses ombres dans l’atmosphère voilée de la psyché des hommes, lorsque se lèvent à l’horizon les affres lunaires des civilisations englouties par l’eau et le feu. Il faut croire avant toute chose aux mythes séculaires et aux légendes charnelles car elles sont le sel de la terre et la rédemption secourable de l’être avec son dieu. Une ville située sur la montagne ne peut être dissimulée.

 

Trois étapes et trois montagnes ont marqué de leurs traces indélébiles l’apparition en gloire du représentant de l’espèce. Le « sermon sur la montagne » évoque la première des trois stances -  le mont des Oliviers - la torche volée par Prométhée, les huit béatitudes, la lumière des hommes et l’enseignement caché mais sans cesse révélé de la parole perdue. La seconde montagne est le Thabor, elle retrace la transfiguration indicible du Galiléen qui au sommet de celle-ci en compagnie de Pierre, Jacques et Jean, mais aussi d’Elie et Moïse, sublime et foudroie l’alliance prophétique entre l’Homme devenu dieu et la Terre devenue mère. Démembrement occulte des testaments de chairs. Le Golgotha enfin - le mont au crâne - là où est né le père de tous les hommes, est la troisième montagne. C’est le promontoire céleste de l’abandon suprême, celui qui permet de croire ou de ne pas croire à l’intemporalité du futur. En la nature imputrescible de l’homme.

 

Qui aurait pu penser alors entre deux sanglots atroces que le mont Analogue dont nous parla en hâte l’alpiniste Daumal, crachant le sang de sa race et agonisant de douleurs immortelles, n’était rien d’autre que le propre reflet inconscient et jamais dévoilé de cette montagne de l’Aude qui adviendrait au grand jour en ce début de XXIe siècle. Une montagne - autrement dit une terre sortie de terre - magique, ni visible ni invisible mais plutôt incertaine, contingentée clandestinement entre deux mondes, parce que tout ce qui est en haut est comme tout ce qui est en bas. En somme les Ayers Rock de l’Occitanie. Un gouffre sans fond d’abord, une gorge éternelle ensuite, un précipice incommensurable avant d’être un élan sublime et inconditionnel vers les cimes enneigées de l’île blanche de nos ancêtres, le territoire mythique des Anciens, celui que personne ne nomma avec l’exactitude scientifique des cartographes patentés. Où trouver réellement, une fois pour toutes, l’abscisse et l’ordonnée de cette terre sainte ? Cette ultime montagne bénie des dieux. Jamais voyageur audacieux ne l’a décrite et pourtant elle fut bien la seule, elle, à croire en son destin d’éternité. Les temps sont venus, comme un loup dans le sanctuaire, pour que la révélation accapare en un instant, en une seule journée, les forces enténébrées au profit de la seule lumière.

 

Dès lors, en Arcadie, qui mène le troupeau de bergers ?

 

Sur la montagne sacrée, maintenant que refleurit le laurier, enveloppé dans sa cape aux reflets d’amarante, dort du sommeil des justes Highlander, le guerrier éternel. Il vit son ultime rêve pour mieux chaque jour réécrire l’histoire des hommes. Le Bugarach est le reflet de son âme. Toutes les nuits un veilleur qui te ressemble s’approche modestement du vieillard ennobli par les rides du passé, s’agenouille près de lui  et murmure à son oreille les derniers états du Monde.

 

Alors tout s’apaise.

 

-          As-tu vu la montagne ?

 

 

(...)

 

 


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