Le PRIEURÉ de SION – Enquête sur le véritable secret de Rennes-le-Château

C. Doumergue & T E. Garnier

prix // 30 €


Pour certains le Prieuré de Sion est une société ultra secrète puisant ses racines aux sources du torrent et de la Tradition Primordiale et véhiculant à travers les âges un message inviolable touchant à l’incarnation adamique, pour d’autres, il s’agirait d’une confrérie de quelques chevaliers de hauts grades en relation avec l’Ordre des Templiers et qui en composerait, en quelque sorte, " le cercle intérieur ".

 

Pour d’autres encore il s’agirait d’un canular monté de toutes pièces par un certain “ Pierre Plantard de Saint Clair ” (1920-2000), à la fin des années 1960, avec l’aide plus ou moins volontaire d’un écrivain à succès, Gérard de Sède. La collaboration de ces deux auteurs ayant donnée lieu au premier livre publié en 1967, sur le secret de Rennes-le-Château L’Or de Rennes… Ouvrage entré dans l’histoire comme pièce majeure, fondatrice de l’édifice, sur lequel repose quasiment tout entier le mystère audois. Après plusieurs années d’enquête sur le sujet, Christian Doumergue et Thierry E Garnier, co-auteurs, entre autres, de L’ABC de RLC - L’Encyclopédie de Rennes-le-Château, et auteurs de plusieurs ouvrages sur l’Histoire et la Tradition, voyant, à la suite du Da Vinci Code, le célèbre best seller de Dan Brown, que les commentaires abondants publiés de droite comme de gauche par la presse spécialisée comme par des hebdomadaires nationaux sur ce sujet brûlant qu’est le Prieuré de Sion altéraient notablement la réalité avérée, ont décidés d’associer leurs recherches pour proposer aux lecteurs un ouvrage qui repose uniquement sur des documents d’archives, dont quelques uns inédits, et tous assortis de leurs commentaires.

Pour la première fois la totalité des documents attribués au mystérieux Prieuré de Sion sont ici analysés avec toute l’acuité nécessaire. On découvrira dans cet ouvrage une biographie fouillée de Pierre Plantard qui apparaît ici, au grand jour et contre toute attente comme une figure beaucoup plus complexe que ce que l’on aurait pu imaginer…

 

Cahier iconographique - 50 pages


500 pages


ISBN 2755100594


Voir aussi //

Article

 

DOUMERGUE & GARNIER – Le Prieuré de SION #1

 

DOUMERGUE & GARNIER – Le Prieuré de SION #2

 

DOUMERGUE & GARNIER – Le Prieuré de SION #3



(extrait)


 

Chapitre I - « Le Prieuré de SION »

 

 

 

 

 

  « Une société secrète digne de ce nom ne se doit-elle pas, par définition, d’échapper aux investigations des historiens qui s’en réfèrent aux seuls documents écrits, en l’occurrence inexistants ou insaisissables ? »

 

Jean Robin

 

 

Les sociétés secrètes mènent le monde.

 

 

Même si la finance mondialisée a pris peu à peu, en sous-main, en ce début de XXIe siècle, le contrôle de bien des sociétés dites « secrètes » les plus puissantes de la planète, c’est bien la Tradition, avec une majuscule, qui prévaut sur toute autre doctrine, lorsque l’on veut bien aborder les domaines fondamentaux de l’initiation permettant à un homme issu du torrent de se pencher sur les racines profondes qui révèlent au grand jour son être de lumière. Le cherchant, homme sur le sentier, par à-coups successifs, va ainsi réaliser, en profondeur, une des plus belles aventures humaines qui soit, celle enseignée par « l’Éveil », pour reprendre le terme approprié de Julius Evola.

 

Cette voie mystique empruntée est fondamentalement personnelle. Et le cheminement qui s’ensuit, cette pratique de l’éveil, pourrait-on dire, se comprend comme une voie chevronnée - sans fin - se heurtant parfois à des obstacles considérables, inhérents à la seule limitation de l’incarnation elle-même. Cette voie d’ascèse met en scène, symboliquement, les deux colonnes du Temple, archétypes et portail des deux principes fondateurs de l’initiation suprême, éléments d’architecture à la fois complémentaires, mais aussi parfaitement solidaires, car ils sont en commun connaissance et spiritualité. Une fois mis sur la voie, le pèlerin n’aura de cesse de trouver son semblable, son frère, pour progresser de concert avec lui, sous la voûte étoilée, puis chemin faisant, à l’empyrée de sa propre destinée. Cette quête du double, selon le niveau d’initiation atteint, plus ou moins rapidement par le cherchant, s’avèrera d’une délicate attention, mais aussi, parfois, d’une rare sévérité. Comme le signale par ailleurs Gurdjieff : « S’il se trouve deux ou trois hommes éveillés parmi une multitude d’endormis, ils se reconnaissent immédiatement, alors que les endormis ne les distinguent pas. » Gurdjieff, sans s’étendre, met ici en évidence un principe notoire au sein de la Tradition primordiale, qui est le rapport des formes révélées aux formes semblables, les opposés se craignent et se combattent, les semblables s’aimantent. L’apanage des sociétés secrètes, aux filiations historiques bien réelles, est construit autour d’un seuil inamovible, celui de la reconnaissance d’abord et de la transmission de la connaissance ensuite. La société secrète, dans les coulisses de l’Histoire, se conçoit comme une vérité à préserver, un doigt sur la bouche, car en bouche close n’entre mouche. Guénon, dira fort à propos à ce sujet: « Comme l’inexprimable est en même temps l’incommunicable, l’interdiction de révéler l’enseignement sacré symbolise l’impossibilité d’exprimer, par des paroles, le véritable mystère dont cet enseignement n’est, pour ainsi dire, que le vêtement, le manifestant et le voilant tout ensemble (1). »

 

Cet énoncé précieux se trouve être la pierre de touche de toute dialectique engendrant, par échos successifs, comme un galet lancé au loin, une onde de choc sur les eaux glacées d’un lac de montagne, les différents cercles visibles et invisibles qui vont structurer authentiquement dans les replis du monde organisé, un ordre secret originel. Ordre primitif ancestral qui prendra une forme révélée sous le paradigme traditionnel mettant en présence Templiers, Rose-Croix et Franc-Maçons, créant ainsi une sorte de filiation évidente, sinon historique tout au moins parfaitement cohérente. C’est cet aperçu qui fera dire à Jean-Marquès Rivière, que ce soit en Egypte, en Grèce, chez les Gnostiques, chez les Cathares, chez les Rose-Croix : « les bases initiatiques sont les mêmes et cette identité profonde nous paraît appartenir à des courants puissants, stables, que confirment un enseignement identique dans son essence et une parfaite communauté de pratiques initiatiques (2). » Ajoutons que cette vision historique de la parole perdue se conçoit, comme authentiquement traditionnelle lorsqu’elle a la faculté de se transmettre, soit par une filiation indiscontinue, soit par un processus de « résurgence » (Guénon parle de « chaîne initiatique rompue »), lorsque celle-ci est parfaitement caractérisée et véritable dans sa dimension inaliénable. C’est cette perspective sacramentelle qui fit dire également à Pierre Mariel que : « Les Fils de la Vallée, nous ramènent aux origines de la Synarchie, qui remonte aux Templiers. A la destruction initiatique de leur Ordre, ils la transmirent aux sociétés secrètes germaniques qui fusionnèrent, au XVIIIe siècle dans la Stricte Observance Templière dont est issue, de nos jours, l’Ordre intérieur du Régime Ecossais Rectifié (3). » Papus de façon plus laconique, dans une lettre à Sédir, datée de 1894, écrivait lui, de son côté : « le dépôt de l’Initiation occidentale a eu trois noms dans l’Histoire ; Gnostiques, Templiers, et Rose-Croix. »

 

 

 

 

Cette relation constante aux Templiers dans la majorité des sociétés secrètes occidentales - et le Prieuré de Sion de Pierre Plantard n’en fait pas exception - permet à vrai dire un éclairage de très grand intérêt lorsque les moines-soldats sont perçus non plus seulement comme un ordre de Chevalerie moyenâgeux, mais aussi comme l’empreinte subtile d’une « intervention de l’ancien centre retiré de la Tradition occidentale », pour utiliser la terminologie employée par le diplomate et métaphysicien musulman Michel Vâlsan (1907-1974), Cheikh Mustapha Abd al-Aziz, qui fut bien autre chose qu’une relation amicale pour Pierre Plantard. Un livre discret, sur la période du FLN, serait à écrire, mais ce n’est pas ici notre propos, sur les relations particulières qu’eut le général de Gaulle et ses compagnons avec Michel Vâlsan, initié de la tariqah française Alâwiya d’un côté et Pierre Plantard et les réseaux gaullistes de l’autre (4).

 

Sur cet aspect transcendantal détenu par la Tradition hermétique, relativement au soin que prirent bien des sociétés secrètes à occulter l’origine de leur manifestation, un exemple caractéristique est celui occupé par René Guénon à travers les liens initiatiques qu’il eut, en son temps, pour l’H. B. of L. (Fraternité Hermétique de Louxor) ainsi que pour l’O.T.R. (L’Ordre du Temple rénové – 1908-1911) (5). Toute la réflexion que nous allons dérouler maintenant, dans cet ouvrage consacré au Prieuré de Sion et à la personnalité de Pierre Plantard, nous porte à croire que celui-ci, n’ignorait rien de cette vision métaphysique et qu’il en fut même, pour son époque, un témoin et un rouage essentiel mû par des intérêts occultes.

 

De cette fontaine jaillissante qu’est la Tradition pérenne, résultent autant de sociétés secrètes, qui à vrai dire et malgré leurs particularismes, prennent donc toutes source, en un même point focal, un nucléus qui admet l’existence volontaire, par delà l’espace-temps,  d’un centre suprême, polaire, gardien édénique de la parole perdue. Ce postulat amène alors à considérer principalement les sociétés authentiquement secrètes sous un angle peu commun, qui est celui de la transmission initiatique par le biais de la révélation (6). De nombreux exemples seraient à citer ici. Le Prieuré de Sion est-il alors, sur ces plans évoqués, une société ultra secrète, inconnue de tous sauf de quelques « supérieurs inconnus », mettant en scène depuis un siècle une « capitale secrète de l’Histoire de France » ou encore d’autres mystères inavouables ? Est-il une confrérie de quelques chevaliers de hauts grades en relation avec l'Ordre des Templiers et qui en composerait, en quelque sorte, " le cercle intérieur ", ou bien encore, comme voudraient nous le faire croire certains auteurs comme Massimo Introvigne, n’est-il finalement qu’un gigantesque canular monté de toutes pièces par un certain Pierre Plantard de Saint-Clair, à la fin des années 1950 (7) ? C’est à ces interrogations que nous allons tenter de répondre, en disséquant au mieux les informations qu’il nous a été possible de recueillir lors de notre enquête sur le Prieuré de Sion de Pierre Plantard et surtout pour la première fois, étudier au plus près la biographie bien méconnue de ce personnage énigmatique, réduit la plupart du temps à quelques formules déplaisantes, qui caricaturent le personnage à l’extrême.

 

Un ou des « Prieurés de Sion » ?

 

De la vison purement romanesque d’un Dan Brown (Da Vinci Code) ou de celle fortement initiatique d’un Jean-Paul Bourre (L’Élu du Serpent rouge), à l’historicité d’une société secrète, contestable et contestée, pouvant être un « Prieuré de Sion » acceptable, dont on ignorerait cependant tout des filiations véritablement historiques, telles que voudrait nous le faire accroire un Pierre Plantard, les écueils sont si importants à éviter qu’une méthodologie de travail s’imposait. Nous avons préféré pour notre part nous focaliser volontairement sur notre sujet, c’est-à-dire la part biographique, dévolue à Pierre Plantard, et secondement la part archivistique incontestable, relative au Prieuré de Sion, afin de démonter pièce par pièce ce qu’il reste aujourd’hui du mythe plantardien et en tirer une substantifique moelle qui ne demandait qu’à apparaître au grand jour pour le plus grand bénéfice des chercheurs.

 

A partir, uniquement, des textes de références et de l’étude biographique menée sur Pierre Plantard et sur son entourage proche, ses influences certaines et ses convictions affirmées, il était capital selon nous de comprendre les motivations internes et surtout les expressions avouées en pleine lumière qui avaient incité Pierre Plantard à créer une telle « œuvre » et surtout à partir de quelle documentation ? Expliquer cet imbroglio littéraire, parfois considéré comme « surréaliste », était en quelque sorte une manière de dénouer tous les ressorts tendus d’une « machine infernale », pour reprendre les termes de Cocteau, et de répondre ensuite aux questions énigmatiques que nous proposait la sphinge plantardienne. Interrogations concernant à la fois la recherche historique, la dimension incontestablement théologique de l’affaire aussi et, sans aucune doute pour celui qui pouvait aborder jusque là, assimiler une perception métahistorique telle que pouvait nous la proposer un Jean Robin (Le Royaume du Graal) ou un Jean Parvulesco (La Spirale prophétique), par exemple. Cette dernière affirmation étant selon nous une des clefs les plus intéressantes permettant d’accéder au Palais fermé du Roi - n’en déplaise à d’aucuns qui pensent qu’il suffit de s’intéresser aux dates, et seulement aux dates, pour comprendre ce qui se trame clandestinement dans les coulisses de l’Histoire. Il est certain aussi que c’était seulement à ce prix, à partir de ces quelques « fragments d’os », autrement dit de réalités diffractées, que pouvait naître une source vive. Ces trois composantes associées : Histoire, Mystique et Métaphysique, étant bien sûr les trois passages obligés de la compréhension certaine des trois niveaux de lecture prépondérants de toute énigme sacrée. Et c’est bien le cas dans « l’Affaire de Rennes-le-Château ».

 

Signalons tout de suite que l’appellation générique et communément admise de « Prieuré de Sion » se retrouve parfois dans plusieurs terminologies ne recouvrant pas toujours les mêmes fonctions et ne regroupant pas forcément les mêmes personnages, ni les mêmes sociétés initiatiques. Il semble donc utile, en préalable, même si les propos de notre ouvrage sont de se focaliser principalement sur le « Prieuré de Sion de Pierre Plantard », de jeter quelques feux de Bengale, en territoires inconnus, sur d’autres horizons - ce qui est la plupart du temps omis lorsque l’on s’intéresse de près à cette société secrète.

 

 

 

En réalité on compte - outre le prieuré de Pierre Plantard déclaré en 1956 - plus d’une vingtaine d’autres sociétés initiatiques récentes ou plus anciennes, portant toutes le même nom de : « Prieuré de Sion ». Celui de Plantard en est donc un parmi d’autres, de par le monde. On en compte notamment en Angleterre, aux U.S.A., Allemagne, Espagne (dit de Barcelone-Andorre), pour les structures les plus importantes. L’intérêt majeur étant de savoir ici si nous sommes en présence, avec le Prieuré de Plantard, face à une mystification de faible intérêt, à une résurgence moderne d’un courant traditionnel majeur, que le grand Chyren aurait remise au goût du jour, ou bien face à une filiation directe et historique qui remonterait au moins au  XVIIe siècle par un courant Rose-Croix, sans doute allemand, et le cas échéant à l’Ordre du Temple lui-même, comme prétendu par certains écrits que nous retrouverons plus après, commentés en annexes ? Rajoutons, en ce qui concerne Plantard, et compte tenu du niveau d’initiation qui était le sien - nous le démontrerons - que si l’on se réfère à l’affaire de Rennes-le-Château dans sa globalité, l’imposture d’un Prieuré de Sion, en tant que société secrète, sans historicité, sans filiation, ne peut être totalement admise, sans déficit ni perte. - Pourquoi ? Tout simplement parce que plusieurs éléments historiques, ou anecdotiques (mais l’anecdote a son importance), mis à jour seulement récemment par la recherche castelrennaise et que ne maîtrisait pas forcément Plantard, se retrouvent corroborés entre eux et avec l’affaire (8).

 

Autrement dit, avec l’apport de Plantard-De Chérisey-De Sède - et malgré l’addition incontestable de digressions fantasmées, bien sûr – la théorie du « trésor de Rennes » tient parfaitement ; et sans Plantard, elle ne s’écroule pas pour autant…

 

 

Un Prieuré de Sion peut en cacher un autre.

 

Il semble également capital de souligner notre pensée, sur ce sujet précis - la multiplicité des Prieurés de Sion - en quelques termes, avant d’entrer de plain-pied dans le jeu des possibles filiations.

 

Rémi Boyer dans son étude souvent citée sur la compréhension du monde des sociétés secrètes dresse une typologie en trois étapes successives, reprenant-là en partie la nomenclature énoncée par Pierre Mariel dans son ouvrage : Les sociétés secrètes mènent le monde (9). Boyer nous incite dans cette expertise à regarder de plus près les systèmes d’emboîtages des processus initiatiques. Ce travail analytique, fort bien mis en évidence, nous permet surtout de concevoir la progressivité du dépouillement du prosélyte au sein de l’école initiatique d’appartenance. Les différentes voies énoncées par Rémi Boyer mettent à jour, dans un second temps, surtout une manière de « penser les pratiques » beaucoup plus qu’une façon de composer les organisations initiatiques. Les multiples visages de l’initiation, au sein de cette pyramide tripartite - dont le sommet reste l’Eveil – se projettent sous d’innombrables formes selon les systèmes traditionnels envisagés et ce afin de recréer « l’Homme de la Connaissance », pour employer le beau terme d’Henri Laurent (10).

 

Nous rajouterons à cette typologie tripartite, un quatrième élément, sur laquelle bien peu d’auteurs ont écrit et fondateur d’un quatrième type de société secrète. Expression prégnante de la « voie solaire », au sens où Jacques Breyer utilisait le terme ; cette société secrète que nous qualifierons volontiers d’insaisissable ou « d’invisible », selon le mot que René Guénon utilise dans son étude intitulée : « Organisations initiatiques et sociétés secrètes », publiée en 1934 (11). Guénon étant l’un des très rares, en ce début de XXe siècle, à avoir considéré cette autre voie traditionnelle. Il semble nécessaire de citer ici René Guénon, pour mieux comprendre la valeur exacte de ce type de société secrète dont la nature Rose-Croix ne peut échapper : « Il y a des organisations qui, tout en n’ayant en elles-mêmes qu’un but d’ordre contingent, possèdent cependant un véritable rattachement traditionnel, parce qu’elles procèdent d’organisations initiatiques dont elles ne sont en quelque sorte qu’une émanation, et par lesquelles elles sont dirigées « invisiblement », alors même que leurs chefs apparents y sont entièrement étrangers. Ce cas, comme nous l’avons déjà indiqué ailleurs, se rencontre en particulier dans les organisations secrètes extrême-orientales : constituées uniquement en vue d’un but spécial, celles-là n’ont généralement qu’une existence temporaire, et elles disparaissent sans laisser de traces dès que leur mission est accomplie ; mais elle représentent en réalité le dernier échelon, et le plus extérieur, d’une hiérarchie s’élevant de proche en proche jusqu’aux organisations initiatiques les plus pures et les plus inaccessibles aux regards du monde profane. Il ne s’agit donc plus aucunement ici d’une dégénérescence des organisations initiatiques, mais bien de formations expressément voulues par celles-ci, sans qu’elles mêmes descendent à ce niveau contingent et se mêlent à l’action qui s’y exerce, et cela pour des fins qui, naturellement, sont bien différentes de tout ce que peut voir ou supposer un observateur superficiel (12). »

 

A travers les quelques fidèles, les initiés, et les différents témoins, (dont certains ont bien connu Pierre Plantard), que nous avons eu l’occasion de rencontrer ces dernières années tout au long de notre enquête sur le Prieuré de Sion, il apparaît comme évident que nous touchons-là à l’essence même de ce que fut sans aucun doute, le Prieuré de Sion de Pierre Plantard. Avant toute chose, pour Plantard, le Prieuré de Sion n’était pas seulement une société initiatique comme une autre, de type paramaçonnique dirons-nous, mais bien un cercle invisible et initiatique de haut lignage, porté par une vibration, une « énergie vivante », un égrégore primitif, un courant de pensée certain, qui a pris - à un moment donné - ce nom de : « Prieuré de Sion » et dont Plantard était un vecteur privilégié. Pierre Plantard, grâce à cette énergie vivante qu’il était capable, par ses talents médiumniques incontestables de partiellement capter, se trouvait en capacité d’énoncer, de façon consciente ou inconsciente tous les signes visibles, susceptibles de prendre forme, à un moment ou à un autre, dans le cadre de ses recherches, qu’elles soient sur Rennes-le-Château, ou d’autres sites secrets de l’Histoire de France, comme Gisors ou Stenay.

 

Il est particulièrement intéressant de noter que l’un des meilleurs historiens contemporains des ordres hermétiques et des sociétés secrètes, Jean-Pierre Giudicelli de Cressac Bachelerie accorde parfaitement foi à cette définition énoncée par Plantard lui-même et parle même de : « la puissance du courant drainé par le Prieuré de Sion », courant magique ou égrégorique, si l’on veut, véhiculé par cette énergie vivante qui porte en quelque sorte ce nomen de : Prieuré de Sion, et que l’on peut retrouver, concrètement, actuellement dans certaines sociétés initiatiques qui s’intitulent de façon éponymique : « Prieuré de Sion ». On le voit la nuance est de taille, encore fallait-il poser quelques jalons pour en formuler les contours (13).

 

Jean-Pierre Giudicelli de Cressac Bachelerie, dans une édition revue et augmentée de son livre, Pour la Rose rouge et la Croix d’or, prend le parti, en 2007, de rajouter un chapitre entièrement consacré à Rennes-le-Château et intitulé : « Et in Arcadia Ego ». Il était important pour Jean-Pierre Giudicelli de Cressac Bachelerie, dix neuf ans après la première édition parue chez Axis-Mundi, en 1988, de revisiter le thème de l’alchimie opérative, qui sourd de façon transversale dans tout son livre, pour parachever quelques pistes importantes et donner en outre des détails qualifiants qui ne figuraient pas dans la première édition. Ce chapitre additionnel sur Rennes-le-Château est un des éléments particulièrement intéressant de son livre, architecture que mettra en avant fort à propos cet auteur. Pour quelles raisons ?

 

Pour ce que nous pouvons révéler ici, concernant ces différents Prieurés de Sion, informations auxquelles nous pouvons accorder crédit, grâce aux investigations que nous avons pu effectuer ; la capitation (cotisation annuelle versée à la loge ou l’atelier d’appartenance), est pour certaines de ces sociétés d’un tarif plus qu’exorbitant, de plusieurs milliers d’euros, pour la plupart d’entre elles. Ces capitations permettant donc de faire une sélection, non seulement par l’aspect financier, mais aussi pour quelques uns des ces « P. S. », grâce à certains quartiers de noblesse illustres qui nous ramèneraient par incidence, mais cela ne paraîtra à vrai dire pas aussi curieux que cela, à la très ancienne famille des Habsbourg, que l’on retrouve partout en filigrane, dans maints écrits relatifs à l’affaire qui nous intéresse. Nous avons également rencontré un Prieuré de Sion qui recrute par simple cooptation. Mais le recrutement en la matière s’effectue le plus souvent par le truchement d’ordres préexistants (Chevaliers d’Ormuz, par exemple - branche de l’Ours ou du Loup) ou encore à des grades élevés, 33e degré de la Franc-Maçonnerie régulière (14). Dans certains cas les Chevaliers de l’Aigle noir préfigurent le cercle extérieur au Prieuré de Sion concerné (cape noire, intérieur vert pour l’Aigle noir, cape noire, intérieur rouge pour le P. S.). Mais l’initiation à des grades chevaleresque est parfois suffisante pour intégrer ces ordres, (C.B.C.S., etc.). Pour certains de ces Prieurés de Sion - mais pas tous - des symboles forts tels que la date du 17 janvier, sont pris particulièrement en compte pour des convents, des réunions extraordinaires ou des tenues exceptionnelles. Les signes de reconnaissances sont traditionnels, on remarque aussi, au titre de l’appartenance, des médailles arborant quatre ours ou quatre loups, par exemple. Dans les temples dévolus aux rituels de ces Ordres, on trouvera dans un cas précis, une figuration du poulpe, emblème cosmique bien connu de l’affaire de Rennes et signe distinctif par excellence que Louis Charbonneau-Lassay avait parfaitement cerné. Il signale justement à propos de cet animal : « Je tiens du docte asiatique Saï-Taki-Movi que le bras des octopodes symboliques répondaient, à l’origine, à une idée de brassage, de barattement, si l’on peut dire, des substances séminales dans les coupes maternelles et qu’à leur émulsion, en même temps qu’au mouvement solaire, se rattachent les figures tournantes : la croix préchrétienne à bras égaux, la roue, les triskèles, les tétracèles, les swastikoïdes de tous genres (15) ». (Cette citation n’étant pas sans écho pour certains rituels pratiqués). Pierre Plantard, de son côté, avait pour le symbole du poulpe une considération très particulière et surtout d’une grande acuité. Dans une conférence envisagée à Rennes-le-Château, en 1964, à l’Hôtel de la Tour, Plantard se sert de cet emblème pour tirer un fil d’un remarquable intérêt et considère en un seul accord : le saut du cavalier, l’échiquier de 64 cases (8x8), la croix du Temple à huit branches et le graphisme de l’octopode comme étant de valeur parfaitement comparable au plan des symboles traditionnels.

 

Dans un autre cas, et nous savons que ces deux Prieurés de Sion ne se côtoient pas, ou peu, on trouvera une figuration concrète dans l’une de ces sociétés secrètes d’un symbole templier, un Baphomet, tel que l’on aurait pu le voir au début du siècle dans certains cercles magiques, cénacles dévolus au Grand Lunaire, dont on pouvait retrouver alors les figures emblématiques bien connues de Jules Boucher, Gaston Sauvage, Alexandre Rouhier, et plus tard Robert Ambelain, que connaissait d’ailleurs fort bien Pierre Plantard (16). Curieusement un développement conséquent serait le cas échéant utile pour explorer la portée symbolique mais aussi parfaitement opérative de notre propos, dans ces deux derniers exemples, les couleurs rouge et verte, sont associées de près aux rituels pratiqués. Ces deux énergies étant la correspondance chromatique, parfaitement réelle, des énergies-forces primitives qui alimentent l’inspir et l’expir de l’énergie cosmique transcendantale, et ce selon des processus d’ouverture de vortex, que connaissait parfaitement Plantard, et qu’il évoque d’ailleurs plus ou moins clairement dans Gisors et son secret. Ces énergies rouges et vertes, parfois visibles dans certaines circonstances, lors des rituels pratiqués sont des principes cosmiques vibratoires de très forte puissance, de polarité positive et négative, qui se révèlent au grand jour sous ces couleurs complémentaires (17).

 

Sur la qualité de ces énergies, des mots-forces qui en résultent, ou des principes essentiels mettant en action certains vortex sur des lieux constitués, Gino Sandri, actuel secrétaire du Prieuré de Sion, pour la branche française, reprenant les textes de Pierre Plantard parle, lui, de façon un peu plus claire dans une interview publiée par nos soins, en 2003, de ces lieux magiques où soufflent l’esprit : « Il existe plusieurs lieux en France et hors de France dans lesquels la tradition situe des trésors gardés par de mystérieux personnages. Ces lieux privilégiés où selon la légende, l'homme blanc partage la manne avec l'invisible, sont accessibles à une date et une heure précises quand les grilles s’ouvrent. En réalité, l’imagination populaire a tendance au merveilleux et le trésor semble symbolique et cache peut-être une tradition hermétique… (18). »

 

Par ailleurs, et pour exemple, dans certains cas de figure la dimension apportée à l’alchimie opérative est fortement présente dans certains rituels pratiqués. Ainsi un de ces Prieuré de Sion qui compte trois chambres, fait figurer dans sa seconde chambre, les rituels ou les sept degrés alchimiques des F.A.R.C. (19) souchés pour ainsi dire in extenso à partir de l’enseignement traditionnel de Roger Caro. (On pourrait aussi penser, en l’occurrence, aux fameux rituels du baron de Tschoudy, mais nous pouvons signaler qu’il ne s’agit pas de la même matière première usitée, dans les deux cas). Le Prieuré de Sion, dans sa branche américaine, reste de tous le plus puissant et sans aucun doute le plus en relation avec la très haute finance. Il est assez proche, d’une certaine manière, de ce que certains auteurs anglo-saxons considèrent être comme les « Illuminati », pour reprendre cette terminologie plus usitée. Un des derniers convents qui a regroupé les dignitaires de cet ordre secret a eu lieu récemment dans un des plus grands palaces de New-York, avec force ostentation. Nous pouvons ajouter que c’est ce Prieuré de Sion qui a été dépeint par Dan Brown dans son Da Vinci Code, et les auteurs-chercheurs qui travaillèrent pour cet auteur, à l’époque, ont en réalité, comme l’on sait, puisqu’il y eut procès, pris les livres de Michael Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln, comme ouvrages de référence, pour créer de toutes pièces le climat historico-romanesque qui sous-tend en toile de fond ce polar. En aucun cas, et c’est pour ainsi dire dommageable, ce ne furent pas les ouvrages français de Gérard de Sède qui servirent de substrats au livre de Dan Brown.

 

 

Il faut également souligner un élément d’importance qui prit corps petit à petit, lors de notre enquête, c’est que ces différents « Prieurés de Sion », comme dans un palais des glaces, s’ils possèdent tous la même appellation - autrement dit le nom de « Prieuré de Sion » - possèdent aussi plusieurs reflets, et ces reflets ne cohabitent pas ensemble ou en tous cas sont parfaitement distincts, les uns des autres. En effet, pour la plupart, les prieurés : français, espagnol, anglais, américain et autres, ne se fréquentent pas et ils ne recouvrent en aucun cas les mêmes domaines de compétences initiatiques, ce qui semble être somme toute une curiosité. Dans les années 2000, un intermédiaire de renom, membre de haut grade de la plupart des sociétés secrètes européennes les plus hermétiques essaya de faire le « go-between » entre tous ces Ordres et aurait bien voulu fédérer, ou tout au moins créer des liens, en quelque sorte, entre ces différents Prieurés de Sion, mais le projet échoua. On le voit, on est bien loin ici du Prieuré de Sion de Pierre Plantard, de 1956, vers lequel nous allons bientôt nous diriger.  

 

Si l’on résume notre pensée en quelques termes et selon l’acception que veut bien nous proposer Rémi Boyer dans ses différentes études sur la compréhension du monde des sociétés secrètes, le Prieuré de Sion n’a jamais été, tout au moins du temps de Plantard, une société secrète, au sens strict du terme. Interrogé sur le sujet Plantard faisait plutôt référence à une « société discrète », comme il le confiera à Henry Lincoln, en 1979, un cercle initiatique fermé, très proche pour exemple de l’esprit de la Fraternité des Polaires, que Plantard connaissait très bien et dans lequel la tradition hyperboréenne avait une importance capitale. Nous savons qu’en son temps, le Prieuré de Sion de 1956, posséda un nombre très limité de membres. Les réunions à visée initiatique, si il y en eut réellement, furent pour le moins très réduites. N’oublions pas aussi que Plantard considérait le Prieuré de Sion comme un « jeu métaphysique » et, à un certain niveau de compréhension des arcanes, le concept transcendantal est complexe à évoquer, selon le grand Chyren l’appartenance au « Prieuré de Sion » pouvait s’effectuer sans que le cherchant - « l’humain » - soit sensément informé de son intégration personnelle au « circuit ». Il n’en demeure pas moins que la possibilité qu’il y eut une perception sensible, voire une tentative de captation partielle, par Pierre Plantard, d’un égrégore énergétique puissant de première importance, en relation avec un christianisme primitif, est une alternative à ne pas exclure, car elle explicite énormément de données traditionnelles que nous aurons à évoquer ultérieurement. A bien des égards, c’est cette énergie vivante dont Pierre Plantard se sentait à la fois le garant et le dépositaire qu’il ressortit, à sa manière, dans ce qu’il faut bien appeler une « œuvre » - son « œuvre », et qu’il insuffla dans la matière en coécrivant, en collaboration avec plusieurs autres auteurs, les ouvrages que nous connaissons, passés maintenant à la postérité. Le « Prieuré de Sion », tel que le définissait Plantard, faisait partie de « l’œuvre », mais l’œuvre n’était pas le Prieuré de Sion.

 

Ce bref aperçu de la métaphysique de Pierre Plantard ne se comprend pas théoriquement mais s’appréhende subtilement par la lecture des textes qu’il insuffla durant près d’un demi-siècle. Plantard disait : « La société à laquelle j’appartiens n’existe pas depuis longtemps, bien qu’elle soit fort ancienne… ». Interrogé sur le sens de cette phrase énigmatique Pierre Plantard avait l’habitude de répondre : « Le Prieuré de Sion…, c’est le vrai Temple. » Cette dernière citation est à méditer, car elle est sans aucun doute la seule véritable raison d’être du Prieuré de Sion de Pierre Plantard.

 

 

Une malle testamentaire

 

Dans la structure littéraire plantardienne, il est important d’isoler les éléments épistémologiques qui vont réellement créer le mythe moderne du Prieuré de Sion, indissociable, il faut bien le reconnaître, de la  cause mérovingienne. Il y a tout d’abord la dimension historique prétendue, avec la fameuse anecdote de l’Orme, que l’on connaît bien ; d’un Ordre de Sion qui noua des liens occultes avec l’Ordre du Temple et la généalogie des grands maîtres qui en suivit. Le légendaire est connu et les annexes proposées dans ce livre mettent en perspective cette narration.

 

Jean Robin, dans les études consacrées à l’affaire de Rennes, se trouve être un auteur très peu souvent cité et qui mériterait pourtant plus d’attention. Le passage consacré par cet écrivain érudit à l’étude du Prieuré de Sion « historique » dans son ouvrage : Le royaume du Graal – Introduction au mystère de la France, est une analyse aiguë sur les différents aspects que peuvent prendre l’initiation véritable et la contre-initiation. Il est bien certain que dans l’affaire de Rennes, la confusion des genres entre Histoire révélée et histoires fantasmées se tisse en permanence et se croise quasiment à l’infini, au point de former une trame indescriptible qui met au final en scène, de façon permanente et totalement invisible, non pas une matière historique mais bien la Tradition tout entière. Dans ce postulat réside à la fois la source du mystère Saunière, telle que conçue par Plantard, et surtout son indescriptible danger. Toute l’œuvre symbolique plantardienne se noue en réalité autour de cette idée force, bien exprimée par Robin, qui prendra corps dans la symbolique du tableau de Poussin, ses bergers et surtout sa « terre d’Arcadie » à savoir puissamment découvrir, comme un Lope de Aguirre explorant l’Amazone, au XVIe siècle.

 

Mais Jean Robin - à la fois dans sa connaissance et dans sa méconnaissance du dossier - prend bien garde de ne pas jeter le bon grain au milieu de l’ivraie et dans sa charge héroïque contre le Prieuré de Sion de Plantard, l’auteur ne s’emporte pas au point de renier : « la trame extrêmement serrée et complexe, sous-jacente au mystère de la France ». Et finalement, à bien des égards, et selon la lecture bienveillante que l’on voudra bien accorder à ce texte monumental, Jean Robin renforce en réalité énormément, à bien des aspects, la mission de la France qu’évoque sans cesse Plantard dans ses écrits, et surtout le discours eschatologique indéniable du grand Chyren. Sans métaphore ni analogie, dans l’ouvrage de Robin la France est la nouvelle « Terre sainte ». C’est ce que n’a cessé de proclamer depuis l’origine de son travail Pierre Plantard. D’une certaine manière la portée fondamentale de cette affirmation de Jean Robin est bien la preuve que le symbolisme universel de Plantard peut aussi être décodé par d’autres que lui-même.

 

Pour conclure, il y a donc, en résumé, pour reprendre maintenant les affirmations plantardiennes que l’on sait : un Prieuré de Sion « historique » qui traverse l’Histoire de France avec son cortège d’éléments symboliques et cryptés, une dynastie mérovingienne, un roi perdu, un trésor templier et une généalogie de grands maîtres, qui scellent en un seul et même accord le filum qui permet de relier tout cet appareillage en un tout plus ou moins coordonné. Il y a aussi, comme nous venons de le voir, plusieurs Prieurés de Sion, de type initiatique ou pseudo-initiatique, répertoriés de part le monde qui se réclament peu ou prou de cet héritage fantastique.

 

Pourtant, à y regarder de plus près, y a-t-il seulement un Prieuré de Sion authentiquement historique, dont les patentes sont réelles et la filiation traditionnelle, au plain-chant du mot, incontestable ? Y a-t-il des documents qui peuvent en attester ? Rien ne nous permet de l’affirmer sans réserve. Certains s’en prévalent, mais n’en ont jamais montré les preuves. Néanmoins nous pouvons affirmer deux choses : Pierre Plantard ne possédait, de ces documents, aucun d’authentique, car si tel avait été le cas, nous pouvons assurer qu’il les aurait fournis. Des pistes en Grande-Bretagne, aux ramifications allemandes et autrichiennes ont parfois été évoquées avec talent. Mais les preuves irréfutables manquent encore à ce jour. Les auteurs anglais, pour la plupart à la suite de Lincoln s’en firent un écho certain. C’était en tout cas l’avis de Sir Laurence Gardner qui nous avait confié ses certitudes lors d’un entretien que nous eûmes avec lui, en 1999. Pourtant, des documents, s’il y en a, ce que relaient volontiers nombre d’auteurs britanniques, sont encore aujourd’hui à proposer à l’expertise. La difficulté pour tous les historiens de remonter au-delà du XVIIe siècle de façon continue dans des filiations ininterrompues reste prégnante (20).

 

 

En ce qui concerne la réalité avérée d’un Prieuré de Sion historique, Jean-Pierre Giudicelli de Cressac Bachelerie, que nous avons interrogé sur le sujet dans le cadre de notre enquête, n’a pu être catégorique, sans pour autant nier cette possibilité. Il écrit d’ailleurs sans ambiguïté dans son ouvrage cité, Pour la Rose rouge et la Croix d’or : « Si le Prieuré de Sion est de création récente, le courant qu’il représentait un moment n’en était pas moins un filon de l’Hermétisme, dont l’une des clefs était Georges Monti. Plantard reconnaît l’importance de ce dernier, quand il parle des origines supposées du Prieuré de Sion, en faisant allusion à la Compagnie du Saint Sacrement, [dont l’Ordre garda les rituels secrets et les grades, recopiés en 1934 par Georges Monti à la fondation de l’Alpha-Galates]. » (21). On ne peut être plus clair. De plus, lors des nombreux entretiens et échanges que nous avons eus avec Gino Sandri, celui-ci a toujours attesté d’une filiation historique, qu’il situe au XVIIe siècle, ainsi dans l’interview que nous avons pu réaliser de lui en 2003, il précise même : 

 

« Il existe naturellement une légende de fondation que je vais rappeler. Des archives secrètes, propriétés de certaines sociétés, affirment qu’en 1188 à Gisors, l’orme fut coupé et qu’un rameau, l’ormus ayant pour emblème une croix rouge et une rose blanche serait l’origine de la Rose-Croix… Depuis 1188, le nombre des membres serait treize comme les signes du zodiaque. Un suprême maître appelé Nautonier porterait depuis cette date le nom de Jean. Sous cette directive, il existerait un millier de membres dont sept cents assumeraient une haute autorité. Le lieu de pèlerinage de ces mille était jadis Interwalden en Suisse, remplacé plus tard par Notre-Dame du Puy et Lourdes, anciens sanctuaires d’Isis. Bien entendu, il s’agit d’une légende… D’un point de vue strictement historique, des recherches ont permis d’établir que le Prieuré de Sion dont nous parlons se manifeste au XVIIe siècle dans la région de Toulouse et plus précisément, dans le diocèse d’Alet. Le 19 septembre 1738 à Rennes-le-Château, une « réforme » du Prieuré de Sion est réalisée sous la direction de François d’Hautpoul et l’abbé Jean-Paul de Nègre (22) ».

En dernier recours, un témoignage qui contribue à grandement jeter le trouble, dans cette affaire déjà bien embrouillée, est celui de Paul Rouelle qui connut très bien les trois protagonistes de cette histoire : Plantard, de Sède et de Chérisey. Dans une interview donnée à Johan Netchacovitch de la Gazette de Rennes-le-Château, le 25 juin 2006, Paul Rouelle ne craignait pas de déclarer : « Ces trois personnes ont été manipulées par un groupe qui possède une façade connue, le Prieuré de Sion. Derrière celui-ci, se trouvent des personnes plus sérieuses et plus dangereuses... Philippe de Chérisey me l'a dit, Gérard de Sède me l'a avoué et Pierre Plantard l'a sous-entendu… ! »

 

Bien sûr, et tant que les chercheurs que nous sommes n’aurons pas la possibilité de consulter des archives, ou des documents de références, il ne nous apparaît pas opportun de trancher définitivement en faveur d’une thèse plutôt qu’une autre, mais la prudence nous impose - à contre-courant de tout ce qui a été écrit sur Pierre Plantard et son Prieuré de Sion - de condamner l’auteur sans dissocier les éléments à charge et à décharge. C’est ce que nous allons tenter maintenant de faire, en approchant au plus près la vie de Pierre Plantard, des hommes et des femmes qui l’ont côtoyé dans sa jeunesse et dans sa vie d’initié, car Plantard fut bien un initié de la Tradition.

 

Un élément inédit, que nous gardions toutefois, pour conclure ce chapitre mérite une attention particulière. Il apparaît aujourd’hui évident à la majorité des chercheurs s’intéressant de près à l’affaire de Rennes-le-Château que : L’Or de Rennes, de Gérard de Sède - et Plantard - publié chez Julliard, en 1967, a bénéficié de l’apport incontestable de très nombreux documents disparates, conservés depuis longtemps par Pierre Plantard et qui ont servi de fort belle manière à façonner, avec la qualité de plume d’un de Sède au meilleur de sa forme, l’ouvrage qui allait faire basculer l’histoire romanesque d’un curé de campagne audois à celle d’un mythe planétaire. N’oublions pas qu’avant la rédaction de L’Or de Rennes, le nom même de Saunière et du trésor de Rennes-le-Château, n’évoquait que peu de choses au quidam.

Pierre Plantard a souvent été accusé de mythomanie, c’est un fait. Pourtant il possédait aussi, c’est certain, des informations de première main, et des dossiers substantiels - détenus à l’origine dans une malle - sur certains lieux de mémoire, des reproductions de tableaux, des documents d’archives recopiés, qui ont servi de « pièces à conviction » à Gérard de Sède, pour recomposer à travers l’Histoire de France, une fresque inédite qui part de Mérovée pour arriver à Saint-Sulpice. Nous l’avons dit plus avant, nous ne pensons pas que parmi la masse de documents que contenait cette malle, il y eut des archives très anciennes, pouvant servir de marchepied et d’élément de preuve incontournable à l’architecture littéraire, fantaisiste en apparence, mais conçue de main de maître par Plantard. Si tel était le cas, Pierre Plantard aurait eu beau jeu de révéler ces archives, ce qui aurait permis de couper court, rapidement, à toute manœuvre l’accusant de supercherie. Selon ce que nous savons et selon toute vraisemblance les documents les plus intéressants exhumés par Plantard provenaient du XIXe siècle, mais ils faisaient état d’éléments historiques, beaucoup plus anciens, cela paraît cohérent. Cette masse de documents venant de famille, était conservéepar Pierre Plantard. Elle lui avait été léguée par son oncle et/ou par son grand-père paternel, Charles Plantard, aïeul dont Pierre Plantard fait état à plusieurs reprises dans sa préface à La Vraie Langue Celtique, de Boudet, pour l’édition de 1978.

 

Autour de l’année 1979, par courrier, Pierre Plantard confiait dans une lettre l’existence de ces documents qui permettaient, entre autres,  un éclairage pertinent sur le mystère Saunière. Dans ces dossiers figuraient un grand nombre d’ingrédients majeurs qui allaient légitimer la création du « mythe » plantardien, de Gisors, à Rennes-le-Château et Stenay (23). C’est cette documentation, léguée par ses aïeuls, qui est à l’origine de toutes les recherches que va entreprendre Pierre Plantard, durant plusieurs décennies. Certes, on en conviendra en la matière, une lettre de Pierre Plantard, n’est pas un sauf-conduit suffisant pour un éclairage définitif de l’affaire et l’on peut évidemment nier la validité, voire même l’existence de ces documents, pourquoi pas ? Mais cela ne résoud alors en rien le problème - La véritable question qui en résulte est de savoir pourquoi et surtout avec quelles informations Plantard est-il venu à Gisors, dans le Razès et à Stenay. Comment un tel plan, d’une telle envergure, recouvrant plus de deux mille ans d’histoire, à travers les méandres de sites sacrés quasi inconnus de tous, a-t-il pu être conçu de la sorte entre les années 1945 et 1955 ? Avec les protagonistes que l’on connaît.

Encore une fois, prétendre à la manipulation, c’est surtout ne pas considérer volontairement, les tenants et les aboutissants de certaines clefs majeures que nous donne Plantard sur le trésor de Rennes. La folie, la démesure, le fantastique, le surréalisme, la supercherie, sont certes bien présents dans son œuvre, mais sont aussi en contradiction formelle avec l’incontestable substance d’authenticité transmise par Pierre Plantard à travers les écrits déviants qu’il sollicita de ses différents porte-plumes pour échafauder son allégorie littéraire qui mit le feu à une substance qui ne demandait, en réalité, qu’à s’embraser. Qui peut croire que dans un tel dossier la mythomanie explique tout ? Les dérives de Plantard sont certaines, et pour nous indéfendables, surtout celles qui concernent les options politiques prises par Pierre Plantard en son temps, mais pour autant ces égarements coupables, que seule la psychanalyse pourrait expliquer, sont-ils suffisants pour balayer d’un revers de main, une production hermétique aussi structurée, s’échelonnant sur plusieurs décennies et prenant comme centre de gravité le Razès et les deux communes de Rennes-le-Château et Rennes-les-Bains ?

 

Qui furent donc les vrais initiateurs de Pierre Plantard et ceux-ci étaient-ils en mesure, eux aussi, d’apporter des éléments de réflexion probants à l’énigme des deux Rennes, sans que Pierre Plantard soit sollicité ? De quelle filiation réelle, Plantard se revendiquait-il ? C’est sur ces questionnements que nous allons maintenant nous pencher pour essayer d’apporter un éclairage inédit, en commençant avec un des personnages les plus hauts en couleur que porta le monde de l’occulte dans les années 1930, une femme médium du nom de Geneviève Zaepffell

 

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Aquarius : le sens de la mystification (extrait)

 

 

La Quête du sens

 

Quel sens accorder à la « mystification » orchestrée par Pierre Plantard ? Le tempérament de l’homme, l’incontestable fêlure initiale qui le poussa toute sa vie durant à se mettre en avant et à « effacer » ses origines modestes, en les remplaçant par une fantasmée origine « royale », ont poussé la plupart des auteurs à ne voir en lui qu’un mythomane. Un homme, qui, possédé par son désir maladif de se donner une importance aux yeux du monde et de ses dirigeants, aurait forgé de toute pièce une histoire susceptible de le mettre en avant. Après des années d’errances et de tâtonnements, cette histoire aurait pris la forme du mythe de Rennes-le-Château tel que réécrit façon Prieuré de Sion et dynastie mérovingienne…

 

Si le profil psychologique de Plantard tel qu’on peut le deviner – profil qui ne reste jamais qu’une interprétation – peut incliner à ce genre de lecture, cette interprétation se heurte cependant à l’extrême complexité de l’ « œuvre » de Pierre Plantard – et surtout sa parfaite continuité dès lors que l’on en dépasse les apparences.

 

En effet, loin d’être une histoire qui évolue au fil des publications et de l’ « air du temps », l’œuvre de Plantard suit une ligne bien déterminée. Chaque nouvel ouvrage revient sur un point à peine et discrètement suggéré dans le précédent. Si bien que la « révélation » soufflée aux auteurs de L’Enigme Sacrée en 1982, est déjà présente, en note de bas de page, dans L’Or de Rennes de Gérard de Sède paru quelques quatorze ans plus tôt ! Et que, comme on le verra, le contenu spirituel du « mythe de Rennes » est le même que celui qui motive Vaincre et que l’on y trouve clairement exposé !

 

De ce point de vue, comme de celui de sa construction symbolique et littéraire, l’œuvre de Plantard laisse penser à une révélation lentement et patiemment distillée, plutôt qu’au discours d’un affabulateur s’élaborant au fur et à mesure de ses lectures.

 

 De fait, au sein de leurs écrits sur Rennes, et de ceux qu’ils ont inspirés, Plantard et Chérisey, que l’on ne saurait dissocier, ont, plus d’une fois, laissé entendre qu’ils étaient les auteurs d’une découverte qu’ils ne pouvaient dire que sous le couvert du symbolisme. (1)

 

L’analyse des textes écrits par Pierre Plantard, la compréhension de ses écrits au regard de la Pensée de ses Maîtres, ouvrent les portes d’une réalité bien différente de celle que certains se font un devoir de colporter.

 

L’homme, pour se comprendre, s’est toujours tourné vers ses origines : l’origine du monde, l’origine culturelle, l’origine familiale, d’autres encore. À défaut de voir clair dans un présent parfois confus, la quête de l’origine, et la détermination de celle-ci, permet parfois, si ce n’est souvent, de comprendre ce qui, autrement abordé, échappe à l’entendement. De la même façon, on ne saurait comprendre Pierre Plantard et son œuvre sans se tourner vers son origine. Les deux chapitres précédents ont brièvement évoqué son parcours, et notamment la façon dont il est entré dans le monde de l’hermétisme. On n’en sait peu, mais déjà assez pour entrevoir des réponses. En effet, lorsqu’on confronte ce parcours à ce que Pierre Plantard a écrit, une figure se détache en particulier : celle de Paul Le Cour, l’homme dont la pensée eut, probablement, le plus d’impact sur le parcours spirituel de Pierre Plantard.

 

L’avènement d’une ère nouvelle

 

L’œuvre complexe et parfois confusante de Pierre Plantard pose une question, lorsqu’on la confronte aux sous-entendus de leur auteur quant à une découverte effectivement réalisée dans la région de Rennes-les-Bains. Pourquoi ne rien dire ? Pourquoi ne dire que sous le couvert d’une fable symbolique  ─ où les inexactitudes historiques se mêlent aux symboles pour raconter une histoire seulement perceptible à ceux qui savent lire ?

 

La première réponse à cette question est soufflée par les auteurs, dans L’Or de Rennes comme dans Circuit de Philippe de Chérisey : certaines vérités ne sont pas directement dicibles. Mais autre chose entre en jeu très certainement, une pensée très pénétrante chez  Pierre Plantard, que l’on retrouve partout dans son œuvre, sous le couvert de symboles divers : celle qu’une nouvelle ère s’annonce pour l’humanité et qu’il faut préparer celle-ci à y entrer. L’œuvre de Plantard, ses « révélations », son symbolisme et le cheminement qu’il invite à faire, s’inscrivent dans ce schéma.

 

 Ce but est clairement affirmé dans l’ouvrage inspiré par Plantard et paru en 1982 aux éditions Atlas, et signé par Jean-Pierre Deloux et Jacques Brétigny : Rennes-le-Château, capitale secrète de l’histoire de France. Comme nous l’avons vu, ce livre doit beaucoup à Pierre Plantard, qui, une nouvelle fois dans son rôle d’éminence grise, a orienté les auteurs dans leur texte, et leur a apporté une importante contribution iconographique. Pierre Plantard est d’ailleurs chaleureusement remercié en ouverture de l’ouvrage. Jean Pierre Deloux, dans une récente réédition de Capitale secrète, reconnaît avoir été sous l’influence de Pierre Plantard – auquel il prête une profonde érudition. Contrairement à d’autres, Deloux ne s’offusque pas d’avoir été manipulé et admet humblement, à propos de Plantard : « Ses fins ultimes demeurent inconnues. » (2)

 

Parmi d’autres intéressants, et annonciateurs, développements, Capitale secrète comporte deux passages, déterminants, sur la « mission » du « Prieuré de Sion. » 

 

Au chapitre intitulé « Le drapeau rouge des Mérovingiens », les auteurs consignent : « Il est aisé de deviner que la vulgarisation de l’enseignement traditionnel et hermétique de Sion, liée à la manifestation publique du Prieuré, correspond à notre entrée dans l’ère du Verseau, depuis 1958, que son rôle ira grandissant, et que l’action du prieuré de Sion ne sera pas négligeable quant aux révélations de toute espèce qui marqueront les débuts de l’ère nouvelle dont il a été, en quelque sorte, l’apôtre le plus fervent… » (3)

 

Les ultimes développements de l’ouvrage reviennent sur le même thème : « L’insistance avec laquelle le prieuré de Sion se manifeste publiquement, quoique avec la plus grande discrétion, depuis environ une vingtaine d’années, pourrait peut-être s’expliquer par notre passage dans l’ère du Verseau, coïncidant avec une volonté d’être dans le siècle au moment même où certains ont l’impression de vivre la “fin de l’Histoire.” Les connaissances ésotériques mises sous le boisseau pendant l’ère chrétienne, et dont il est le dépositaire, pourraient contribuer à faciliter la difficile période de transition marquée par l’agonie du cycle qui meurt et les convulsions de celui qui naît. » (4)

 

La mystification orchestrée par Plantard est donc présentée ici comme un processus destiné à accompagner l’humanité dans un changement d’ère spirituelle. Or, l’idée de « l’ère du Verseau » se retrouve  très tôt dans l’itinéraire spirituel de Plantard. Comme nous le verrons, Vaincre et l’idéologie que la publication véhicule, reposent presqu’entièrement sur la mystique de l’Ere du Verseau.

 

Cette notion d’Ere du Verseau fut défendue et popularisée par Paul Le Cour, dont il est notoire que Plantard était un admirateur. Preuve de cette admiration, mais aussi précieux témoignage de la pensée de Plantard, dans le premier numéro de Vaincre, Plantard cite Le Cour : « Quand un fleuve est pollué, si vous voulez trouver de l’eau pure, il faut retourner à sa source. C’est la même chose avec la tradition – elle ne demeure pure qu’à son origine. »

 

Il n’est pas exagéré de dire que Le Cour fut la figure la plus déterminante dans le parcours spirituel de Plantard. On va retrouver chez ce dernier plus d’un thème cher à Le Cour, comme l’Atlantide et la survie d’une « tradition » atlante, présent dans les tous premiers écrits de Plantard.

 

 

Plantard, le mythe de Rennes-le-Château, et l’ère du Verseau

 

 

Paru en 1937, L’ère du Verseau s’imposera comme le plus populaire ouvrage de Paul Le Cour. L’ouvrage développe l’idée d’un changement d’ère spirituelle en train de s’opérer. Paul Le Cour y annonce la transformation progressive de la religion traditionnelle en une nouvelle religion renouant avec la tradition primordiale – issue du contact direct avec le divin, et perdue par la suite.  

 

Très tôt, l’influence de ce texte et de ce qu’il véhicule est palpable chez Pierre Plantard, à un degré, qui, comme on le verra, explique beaucoup de choses chez lui.

 

Les écrits de Plantard dans Vaincre fourmillent de références à l’ « ère nouvelle. » 

 

L’image du chevalier Galate publiée dans le numéro 1 de Vaincre est particulièrement prégnante dès lors qu’il s’agit d’illustrer cette importance de l’Ere du Verseau dans la pensée de Plantard dès ses premiers écrits. Le chevalier portant un casque gaulois, et arborant en étendard la Croix du Sud glorifiée par Geneviève Zaepfell, chemine en direction d’un soleil au centre duquel rayonne le symbole du Verseau. En outre, la date 1937, date de publication de L’ère du Verseau de Le Cour, est ostensiblement figurée à gauche de l’image.

 

L’enseigne choisie par Plantard pour l’Alpha Galate, la Croix du Sud, renferme en elle le symbole du Verseau.

 

 

Durant ces premiers temps de l’œuvre de Plantard, L’ère du Verseau conditionna bien d’autres choses. On le verra par la suite. Or, cette fonctionnalité de l’action de Plantard, pensée en tant que médium de l’ère nouvelle, se poursuivit, voire même s’amplifia, lorsqu’il s’attacha à transformer l’affaire de Rennes-le-Château.

 

Si Capitale Secrète fait du mythe de Rennes tout entier un processus permettant l’entrée dans l’ère du Verseau, cette dimension est inscrite, de manière discrète, dans de nombreux textes de Pierre Plantard.

 

La nouvelle série du périodique Vaincre, publiée entre 1989 et 1990 sous l’impulsion de Plantard, présente plusieurs écrits apportant un éclairage précis sur la relation du Prieuré à l’Ere du Verseau.

 

On y trouve un texte de Pierre Plantard sur Victor Hugo (5) qui débute en présentant Hugo comme « un des maîtres les plus sublimes de notre ORDRE, celui que certains nommèrent “Précurseur de l’Ere du Verseau”… »

 

Page 63, Le Cercle reproduit un article intitulé « Les Cycles » et signé par un certain Bernard Gliot, « astronome et membre du Prieuré de Sion. » L’article est un plaidoyer pour un zodiaque à treize signes et un calendrier à treize mois. Surtout, il apporte d’intéressantes précisions sur l’Ere du Verseau telle que pensée par le « Prieuré. » Dans un tableau  des signes du zodiaque (au bas duquel  est apposé le monogramme P. S.), le commencement de l’Ere du Verseau (censée durer 2509 ans) est marqué à l’année 1958. Le commentaire accompagnant le tableau précise que l’entrée dans l’Ere du Verseau aurait eu lieu entre le 4 octobre 1957 et le 15 mai 1958.

 

Cette entrée dans l’Ere du Verseau en 1958 est aussi au centre d’un article de Philippe de Chérisey, « Mythologie de l’astronomie », également reproduit dans Le Cercle, et daté de 1964.

 

Cette date ne peut qu’être mise en corrélation avec la date de fondation de l’association Prieuré de Sion par Pierre Plantard : 1956, soit un an avant l’entrée présumée dans l’Ere du Verseau…

 

Le thème est également présent dans Serpent Rouge. Le texte, qui se compose de treize strophes découpées selon un zodiaque à treize signes, commence avec le signe du verseau… Mieux : le vase contenant l’eau qui donne son nom au signe (le verse-eau) est mis en évidence dans le blason figurant sur la page de garde de l’énigmatique texte.

 

 

« Ce qui est en haut… »

 

Cette imprégnation des théories relatives  à l’Ere du Verseau explique, en partie, mais pas seulement, l’importance de l’astrologie et de l’astronomie dans les écrits de Pierre Plantard. Si Serpent Rouge se structure autour d’un zodiaque à treize signes, l’opuscule s’ouvre sur une citation de l’abbé Théophile Moreux, lequel n’est pas sans lien avec… Paul Le Cour au groupe duquel il avait adhéré !

 

Riche d’une considérable bibliographie, l’abbé Théophile Moreux fut un des grands vulgarisateurs de l’astronomie populaire. Né le 20 novembre 1867 à Argent sur Sauldre (Cher), il est ordonné prêtre le 29 juin 1891. L’année suivante, il publie ses premiers textes sur l’astronomie. En 1893, il adhère à la Société astronomique de France, et y entre en relation avec Camille Flammarion. En 1899, il fonde son premier observatoire, installé au sein même du petit séminaire de Bourges. Après de nombreux articles et publications, il achète, en 1907, un petit terrain rue Ranchot, à Bourges, où il fait construire une maison de style mauresque dotée d’une tour surmontée d’un observatoire… En 1943, ses prises de positions lui valent d’être arrêté par la Gestapo et interné à Fresnes, puis à Orléans et à Bourges. Il sera libéré par un officier allemand ayant lu ses ouvrages. Il meurt le 13 juillet 1954.

 

Le prêtre est sans doute cité par Plantard pour trois raisons : l’ouvrage dont est tiré sa citation (L’Alchimie moderne, or, l’alchimie est une des clefs de lecture de Serpent Rouge) ; la portée cyclique de sa citation, qui évoque l’éternel retour des choses (on est ici en corrélation avec la pensée des ères astrologiques, se succédant) ; enfin, les activités astronomiques du prêtre, qui lui valurent sa renommée. L’abbé Moreux est d’ailleurs, à nouveau cité dans Le Cercle, cette fois-ci pour son ouvrage : Les influences astrales. Un ouvrage où le prêtre conclut que si les astres sont trop lointains pour influencer la destinée humaine, par contre le soleil et la lune jouent certainement un rôle majeur, non pas au travers d’une influence individuelle, mais bien collective. L’idée est à retenir

 

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SOMMAIRE

 

 

Propos Liminaires // « Les Veilleurs de l’Aude. » (page 9).

 

Chapitre I – Le Prieuré de SION. // Les sociétés secrètes mènent le monde. - Un ou des « Prieurés de Sion » ? - Un Prieuré de Sion peut en cacher un autre. - Une malle testamentaire. (page 17).

 

Chapitre II – CIRCUIT. // Parcours. - Geneviève Zaepfell, ou première rencontre avec l’invisible… - Dans le sillage de la « dame en blanc ». - Alpha Galates. - Autres influences… - L’énigmatique Georges Monti. - L’Inde symbolique. - Vers Sion. - Nouveau départ. (page 43).

 

Chapitre III – De l’Ombre à la Lumière… // L’éminence grise… - Rennes-le-Château - Philippe de Chérisey, le comparse… - Les opuscules de la BNF. - « L’Or de Rennes » - Vers L’Enigme Sacrée. - Autres auteurs sous influences… - Retrait, retour et confessions. (page 59).

 

Chapitre IV – Pierre Plantard témoin de la Tradition. // - Un érudit méconnu - Les secrets perdus de Pierre Plantard. - L’Infrahistoire donne les clefs. - Approches de la Tradition Hermétique chez Pierre Plantard. - Pratique des Mancies chez Pierre Plantard - Pierre Plantard franc-maçon. - L’homme aux cent visages. - « Nekam Adonaï » Une loge de haute Magie à Lyon. - Le tablier de Sainte-Roseline. (page 73).

 

Chapitre V - « La Puissance et la Mort ». Cryptographie & parchemins // Les parchemins dits de « l’abbé Saunière ». - À l’Hôtel de la Tour. - [1917] - [1953] - [1954] - [1955] - [1956] - [1958] - [1960] - [1961] - [1962] - [1963] - [1964] - [1965] - [1966] - [1967] - [1968] - [1979] - [1988] - À Dagobert II et à SION…. - Un jeu de dupes. - Dans l’ombre de l’éminence grise. - L’impossible décodage. (page 111).

 

Chapitre VI - L’OR de Rennes. Alchimie & Métaphysique // Dans l’ombre du 17 janvier… - La Reine du Midi - Les Bergers d’Arcadie. - Dans les griffes d’Asmodée. - Le secret de Marie de Nègre d’Ables. - Seth le Dieu maudit. - Rennes-le-Château, capitale secrète. (page 149).

 

Chapitre VII - AQUARIUS - Le sens de la mystification. // La Quête du sens. - L’avènement d’une ère nouvelle. - Plantard, le mythe de Rennes-le-Château, et l’ère du Verseau. - « Ce qui est en haut… ». - Ère du Verseau et avènement d’une nouvelle religion… - La Tombe du Grand Romain, la « dame au linceul blanc » et Marie-Madeleine. - Dans l’ombre d’Isis… - « Du noir au blanc » - Transformation. - Le Dieu suprême et les couleurs. - Le Temple Rond. (page 175).

 

Chapitre VIII - Les Constantes. // A propos des constantes. - « … Pour une jeune chevalerie… » - La Reine Blanche. - Les constantes et Paul Le Cour. - La Vraie Langue Celtique. - Paul Le Cour et les Celtes. - La Vraie langue celtique et les découvertes de l’abbé Boudet. - Dialogue avec l’Invisible. - Reconsidération. - First, Man. Then, Adam ! (page 203).

 

ÉPILOGUE // L’embarquement pour Cythère. - Solis Sacerdotibus. (page 227).

 

Cahier iconographique de 250 pages // (page 233).

 

ANNEXES présentées et commentées par les auteurs // Annexe 1 : Pierre Plantard - Le secret de Gisors. (page 283) - Annexe 2 : Pierre Plantard - Préface à La Vraie Langue celtique et le Cromleck de Rennes-les-Bains, par l’abbé H. Boudet curé de Rennes-les-Bains (Aude). (page 313) - Annexe 3 : Les textes attribués à Pierre Plantard - Les écrits fondateurs avant le Prieuré de Sion. – Les apocryphes de la BnF. (page 335) - Annexe 4 : Pour une typologie de l’Affaire de Rennes-le-Château. (page 477).

 

Remerciements - (page 484).

 


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